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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 21:26

Ces dernières années, le fonctionnement du système diplomatique tchadien s’apparente à une pathologie incurable ; la cooptation clientéliste basée sur des réseaux politico-diplomatiques cloisonnés continue a en être le moteur, suscitant contestation, désapprobation, frustration, indignation aussi bien à l’intérieur même de la classe politique et diplomatique tchadienne qu’à l’extérieur.

 

Limités à entretenir leurs cercles d’influence et à protéger leurs privilèges, se méfiant les uns des autres, les membres de ces réseaux mettent en scène des pratiques qui ne concourent pas au bon fonctionnement des institutions publiques qu’ils sont censés servir. On ne peut construire une équipe qui gagne dans la méfiance et les cachotteries, mais dans la confiance et la transparence.

 

De ce fait, le décalage dans l’approche diplomatique entre certains chefs de mission et leurs collaborateurs constitue un indicateur important sur l’état de fonctionnement de la politique étrangère du Tchad, sur ses valeurs et ses intérêts à défendre. Le plus souvent ces chefs de mission constatant des défaillances à leur niveau en terme d’apports constructifs pour leur pays, jouent du pouvoir que procurent leurs fonctions pour masquer leurs faiblesses. C’est ce que certains appellent la mystification du pouvoir qui se voit vite démystifié.

 

C’est ainsi que, en ne se préoccupant que de leurs intérêts personnels et de leurs petits territoires, ces décideurs ne se soucient guère du sort de leurs collaborateurs , encore moins de la population qu’ils sont censés servir. Au regard de la dégradation généralisée des conditions de vie et de travail des agents de l’Etat, il nous semble utile de mettre en évidence dans cet article, la situation du personnel diplomatique dans la perspective de son amélioration.

 

En suivant le fil conducteur du système diplomatique tchadien, une question mérite d’être posée. Le gouvernement tchadien se préoccupe-il  réellement de ses propres représentants à l’extérieur? Sur cette question qui demeure d’actualité, beaucoup a été dit et écrit. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans certains pays, nos représentants diplomatiques vivent dans des conditions peu reluisantes, pour ne pas dire difficiles, pour un pays pétrolier comme le Tchad et au regard des enjeux que nos représentants sont censés défendre dans les pays ou ils sont accrédités.

 

La formule de "clochardisation" des diplomates tchadiens utilisée dans les années 90 n’est pas à exclure. Il est révoltant, choquant et inadmissible de voir des diplomates tchadiens avec conjoints et enfants tirent le diable par la queue pendant que leurs responsables vivant aux frais de l’Etat ne se soucient même pas de leur misère. Certains diplomates ne sont même pas en mesure de faire venir leurs familles craignant le lourd fardeau qui se dressera sur leur chemin. Quant au personnel d’appui (chauffeurs, cuisiniers…), n’en parlons pas, c’est tout simplement scandaleux. Ce qui est paradoxal, c’est que le personnel recruté localement dans la même mission diplomatique gagne mieux que nos diplomates, parce que il faut respecter les règles du pays d’accueil.  

 

La vision oligarchique qui s’est installée dans certains missions diplomatiques tchadiennes ne favorise pas l’émergence d’une solution durable et globale dans nos chancelleries. On assiste malheureusement dans certaines ambassades tchadiennes à un système personnifié marqué par une diplomatie affairiste et de bas étage, pas loin de ce que Bertrand Badié a qualifié de "diplomatie de club fondée sur une connivence frileuse et défensive, aux lacunes nombreuses, plutôt que sur une réelle gouvernance en quête d'efficacité".

 

Dans ce contexte, le chef de mission détient, contrôle et décide tout. Un des éléments les plus parlants est le fait qu’il perçoit même des frais de mission lorsqu’une délégation officielle est en mission dans sa juridiction, et il est le seul dans cette situation. Cette étrange conception de la politique étrangère à la tchadienne mérite d’être revue et que l’argent des contribuables tchadiens puisse être mieux orienté. Il est souhaitable qu’on puisse diligenter une enquête afin de déterminer les graves dysfonctionnements pour mieux respecter les règles administratives et améliorer le fonctionnement du système.

 

Dans ce contexte, faut-il considérer que les diplomates tchadiens en poste à l’étranger n’ont plus droit à des conditions de vie décentes ?  Faudrait-il laisser à la merci de tous les aléas cette catégorie des fonctionnaires de l’Etat censée représenter dignement le Tchad ? Faudra-il faire des diplomates tchadiens la risée du monde ? Face à l’absence de la prise en compte des revendications légitimes des agents de cette profession, il ne serait pas étonnant que l’image de marque du pays et en particulier celle du Chef de l’Etat  de qui dépend la politique extérieure en soit sérieusement affectée. 

Face à l’état actuel du système diplomatique tchadien-tant sur le plan de la politique étrangère que des ressources et de leur gestion, il nous paraît indispensable d’organiser les états généraux de la diplomatie tchadienne. Les assises de ces états généraux doivent permettre de dresser un état des lieux sans complaisance et de formuler de recommandations aux décideurs concernés. L’objectif final est la création des conditions pouvant permettre aux institutions et structures diplomatiques tchadiennes de mener une véritable diplomatie de paix et de développement.
 

Talha Mahamat Allim

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