Moussa, Abakar et Brahim sont sous leur nimier, lieu de rendez-vous quasi quotidien pour discuter de leur sujet favori : la politique, à l'ordre du jour aujourd'hui: la désignation de Timane Erdimi comme chef de la rébellion.
Moussa : Quelles sont les nouvelles depuis que Timane est chef ?
Abakar : Il paraît que certains se sont fait une raison, d'autres refusent et rejettent cette idée. D'après certaines informations, Soubiane a très clairement dit ce qu'il pensait à savoir que beaucoup de gens sont partis en rébellion à cause des actions menées contre eux ,justement par le groupe des Erdimi, à l'ombre de Deby , même le cas de Youssouf Togoïmi a été cité. Nouri et Adouma ont quant à eux adopté une attitude plus ou moins attentiste.
Brahim : certains ont dit aux Soudanais que leur choix est illogique, car comment comprendre que le groupe le plus faible parmi les 4 groupes que constituent la rébellion ,soit parachuté chef et en plus c'est le groupe le moins mobilisé ces hommes pour combattre Deby.
Moussa : C'est clair, que le choix des Soudanais est un compromis négocié avec la France et la Libye. Pour faire quoi ? That's the question. Est ce que vous voyez Timane Erdimi mobiliser les gens pour faire la guerre à Deby et le renverser ?
Abakar : Personnellement je pense qu'il aura beaucoup de difficultés à y arriver mais ce n'est pas impossible.
Brahim : En tout cas, moi, je pense qu'il sera difficile à Timane de sensibiliser, de rassembler parce que tout simplement, qu'est ce qu'il a fait pendant ces trois années. Il a tout fait pour créer des problèmes aux autres, il a semé la zizanie, intoxiqué les gens, bref empêcher les autres de s'organiser. Comment dans ce cas, peut-il aujourd'hui dire aux autres, travaillons ensemble ! !
Moussa : Exact, je ne sais pas si tu te rappelles mais les gens disaient que Timane affirmait à Khartoum à qui voulait l'entendre « si je ne suis pas chef, je préférais que Deby reste ». C'est extrêmement grave.
Brahim : Bien sur, pour certaines personnes, il a un pied dans la rébellion et un pied à N'djaména. Et puis, vraiment, rappelez-vous le comportement du Général Issakha Diar lors de l'entrée de la rébellion à N'djaména, …... on en revient toujours pas!
Abakar : Je pense que Timane a été le premier à être surpris par sa désignation, car si vous analysez son comportement, c'est celui d'une personne qui sait qu'il ne sera pas chef et qui torpille les autres. Son comportement étant effarant, et voilà qu'il est nommé chef et sa stratégie se retourne contre lui aujourd'hui. Il paraît qu'il a organisé une grande fête à Khartoum pour célébrer sa nomination. C'est très révélateur de son état d'esprit mais en même temps si peu sérieux.
Brahim : Il y a une grave crise de confiance et peut être plus car quand vous excluez de votre tête, l'idée même qu'un autre soit chef, l'autre est en droit de vous rejeter à son tour.
Moussa : A y réfléchir, on peut faire le constat que le RFC de Timane n'a jamais pu nouer une seule alliance avec un autre groupe au sein de la rébellion.
Abakar : Moussa, tu disais , Timane ,chef pour faire quoi ? A ton avis, il ne fera pas la guerre à Deby mais prendra la route de Tripoli pour des négociations ?
Moussa : Je peux me tromper mais le Soudan à l'heure actuelle n'est pas dans une poussée guerrière contre Deby. Pourquoi je dis ça ? Parce que le choix de Timane est un choix qui entraine des difficultés, des frustrations, des mécontents et même des divisions au sein de la rébellion. C'est tout le contraire d'un choix mobilisateur, de renforcement, et cela les Soudanais ne peuvent l'ignorer. Donc, s'ils l'ont fait ,c'est qu'ils ne voudraient pas voir la rébellion se renforcer, être puissante. Pourquoi ?
Brahim : Bien vu, mais c'est une stratégie peut-être à court terme, en attendant l'évolution des négociations du MJE avec le régime soudanais. Cela veut dire que dans cette phase, le Soudan s'occupent uniquement de sa politique intérieure.
Abakar : Timane chef, est ce qu'il y aura des trahisons dans le clan Deby, d'importantes défections au sein de l'armée, de telle sorte que la chute sera plus rapide ?
Moussa : Ce sont les théories bidon des français, il y aura peut être quelques départs et encore il faudra que la rébellion fasse une démonstration de force d'abord. Ensuite, les choses sont plus complexes, constatez-vous même le peu d'adhésions récoltées par les Erdimi depuis leur rébellion. Il n'y a pas eu de départs massifs des combattants de Deby vers eux, mais bel et bien l'inverse.
Brahim : A mon avis, pour que le schéma de la division du camp Deby au profit de la rébellion fonctionne, il faudra que la France montre des signes très clairs d'un lâchage de Deby, ce n'est pas encore le cas mais ce n'est pas impossible. D'ailleurs l'attitude de Deby par son surarmement et le recrutement des mercenaires Algériens, Ukrainiens et Ghanéens prouvent qu'il n'a pas écarté cette hypothèse.
Moussa : est ce qu'il ne faut pas voir dans la désignation de Timane Erdimi comme chef une politique soudanaise visant à envoyer un message au MJE, en disant en quelque sorte que nous ne sommes pas contre les Zaghawas (et donc il n'y a pas de politique de génocide comme le prétendent les occidentaux). On peut faire le constat qu'après la désignation de Timane, le Soudan a déclenché les négociations avec le MJE, si les accords se réalisent le Soudan aura ainsi réussi à apaiser l'environnement politique autour de la question du Darfour. Par conséquent, la CPI en décernant un mandat d'arrêt contre El Béchir, aura le rôle de celle qui attise le feu. Ce n'est pas le rôle de la justice.
Des sirènes se font entendre longuement et interrompent le débat. C'est quoi demande Abakar à un passant ? Inauguration de je ne sais quoi répond t-il.
Abakar : Le couple présidentiel est parti pour une nième inauguration. Après l'hôpital, la maternité, l'université, le musée, rien que du vent.
Moussa : Je les invite à venir inaugurer avec nous, l'entrée des populations tchadiennes dans l'ère où les gens cuisinent en chauffant du gravier avec du pétrole lampant ou en utilisant de la bouse des vaches vendue par charrette dans les rues de la capitale d'un pays pétrolier.
source : ambenatna